Lors d’essais cliniques, l’usage de palliatifs de nicotine (patchs, gommes, inhalateur, etc.) augmente les chances de réussite d’une tentative d’arrêt. Ce résultat n’est toutefois pas confirmé sur le terrain, dans la vraie vie avec des fumeurs tout venant. Une étude publiée en ligne dans le British Medical Journal rapporte que même gratuite, la mise à disposition de substituts nicotiniques n’améliore pas les taux d’arrêt du tabagisme [1].
L'étude a été menée sur le terrain en recrutant un millier de fumeurs via la ligne téléphonique publique d'aide au sevrage tabagique en Angleterre. Les appelants de la ligne d'aide ayant accepté de fixer une date d'arrêt et ont été aléatoirement affectés à l'une des prises en charge suivantes :
- prise en charge habituelle : aide de conseils téléphoniques standard
- Intervention A : aide standard plus substitution nicotinique gratuite
- Intervention B : aide standard avec conseil plus fréquent et proactif
Les participants ont été affectés dans quatre groupes d’effectifs égaux :
- un groupe bénéficiait de la prise en charge standard ;
- un groupe recevait l’intervention A ;
- un groupe recevait l’intervention B ;
- le quatrième groupe bénéficiait des deux interventions A et B.
La délivrance de substitution nicotinique gratuite ne majore pas les chances de succès
Les résultats sont les suivants :
- Le taux de cessation durable à six mois déclaré par ceux qui ont bénéficié gratuitement d'une substitution nicotinique (n=229) est de 17,7 %, ;
- ceux qui n'ont pas reçu de substitut (n=261), le taux déclaré est de 20,1 % ; la différence n'est cependant pas statistiquement significative.
Concernant la cessation du tabagisme à six mois validée par mesure du monoxyde de carbone expiré,
- le taux de cessation global est de 6,6 % pour les groupes qui ont reçu gratuitement des palliatifs de nicotine (85/1295) ;
- il est de 9,4 % (122/1296) pour ceux qui n'ont pas bénéficié de palliatifs.
Cette différence est statistiquement significative.
Que l'on se base sur les arrêts confirmés ou non confirmés, la constatation de l'étude est que les substituts nicotiniques ne majorent pas les chances d’arrêt.
L'information la plus importante de cette étude est que dans les conditions optimisées de recours à une substitution gratuite de nicotine associée à un conseil proactif, le taux d'arrêt de fumeurs motivés s'élève à 6,6 %. Même le taux d'arrêt rapporté sans contrôle à six mois de 17,7 % par ceux qui ont reçu gratuitement des palliatifs nicotiniques est pour le moins décevant.
La politique de santé dévoyée de ses objectifs
Quand bien même les preuves que la substitution nicotinique n'est pas efficace dans la vraie vie abondent, les institutions en charge de la prévention du tabagisme sont trop financièrement liées à Big Pharma pour changer de stratégie. La tabacologie a été captée par l'industrie pharmaceutique :
- les conférences de tabacologie sont parrainées par Big Pharma,
- leurs organisations savantes sont fortement financées par Big Pharma,
- les rapports et recommandations majeures qui engendrent des avis et établissent la politique nationale sont écrits en grande partie par des experts faisant état de liens d'intérêt avec l’industrie pharmaceutique,
- etc.
Prenons par exemple le cas de l’étude sur la cigarette électronique commandée par la Direction Générale de la Santé à la Société Française de Tabagisme : comment ce rapport pourrait-il être neutre et objectif quand cette "société savante" est financée par Pfizer, Johnson & Johnson (Nicorette), Pierre Fabre et Novartis qui en commercialisent des alternatives concurrentes ?
Plutôt que déployer une politique pour la santé des fumeurs, l'Administration de la Santé privilégie les intérêts économiques et corporatistes.
Librement adapté de Michael Siegel - Boston University School of Public Health [2]
Crédit pour la traduction : Amanda
Références
- Effect of offering different levels of support and free nicotine replacement therapy via an English national telephone quitline: randomised controlled trial.
(Effet de différents niveaux de soutien et de thérapie de substitution à la nicotine gratuite par une ligne d'aide téléphonique nationale anglaise: essai contrôlé randomisé ; publié le 23 mars 2012)
Ferguson & al. ; BMJ 2012;344:e1696 doi: 10.1136/bmj.e1696 - Another Study Shows No Effect of NRT on Smoking Cessation in Real-Life, Population-Based Setting ; Michael Siegel, 26.03.2012
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